Wu-lu et son (excellent) premier album “Loggerhead”

WU-LU - Loggerhead / Warp Records / 2022

Miles Romans-Hopcraft, aka Wu-Lu

Le 8 Juillet dernier, une bombe est sortie des fourneaux de chez Warp, d’un petit nouveau nommé Wu-Lu. Absolument inclassable, c’est une première sortie qui peut tout faire sauf passer inaperçue.

Miles Romans-Hopcraft, un mec du Sud de Londres, skateur dans l’âme, enraciné dans le milieu artistique depuis son plus jeune âge (papa trompétiste de jazz-fusion et maman danseuse), fait de la musique depuis un petit moment en passant du dubstep à la prod de hip-hop. Mais c’est sous son nom de scène Wu-Lu et à la guitare qu’il a trouvé sa vraie musique. Wu-Lu, qu’il a dérivé du mot ahmarique "wuha" qui signifie l’eau, la fluidité, Bruce Lee "be like water" et qui correspond assez bien à sa façon de faire de la musique.

C’est le son South qui le révèle en 2021 : un hommage/deuil à son South London natal qui ne reconnaît plus à cause de la gentrification intensive (dans le refrain il crie très fort pour exprimer ça). À ce moment là, il est déjà en train d’enregistrer son premier album, qu’il avait commencé au moment de l’apparition du Covid (de la Covid ?). Il va être enregistré un peu partout : un coup dans le bar d’un pote parce que l’acoustique est pas mal (mais les voisins sont pas super fan du bruit) puis en Norvège dans l’autre petit studio d’un pote et comme ça, de spot en spot, il se constitue un petit paquet de sons, toujours avec la même intensité et la même soif de créer avec ses potes.

On sent vraiment une énergie "live", très spontanée, homemade, qui se comprend assez bien quand on apprend que Wu-Lu est un skateur dans l’âme. Il a intégré la communauté skate londonienne très tôt, donc s’est très vite imprégné de la culture punk et hip-hop, de l’esprit de partage (on voit dans les crédits de l’album qu’il fait contribuer beaucoup de monde), mêlé à cette quête de liberté constante et d’affranchissement des règles.

Et c’est cet affranchissement qui se remarque dans sa musique : pas de barrières. On aurait du mal à le placer dans une seule catégorie tant il touche à tout : grunge (Times), hip-hop (Take Stage), punk, drum n Bass (Facts), trip hop (Slightly), la liste est longue. C’est à la fois une démonstration de son talent de multi-instrumentaliste, qui se démerde aussi bien à la guitare-pédale (#nohomo) qu’au MPC. Et à l’entendre en interview, ce premier jet n’est qu’une partie de ce qu’il sait faire, son ordi est rempli de sons en tous genre (il aurait même des sons orchestraux en réserve).

Times, énorme son grunge avec la batterie bien vener de Morgan Simpson

Et l’album est pas pour autant fouillis, au contraire, le rythme est parfaitement équilibré, une alternance chaos/calme/psychédélique qui donne une écoute durant laquelle il est impossible de s’ennuyer. Je tiens aussi à préciser que niveau skill musical on est bien servi. Le mec à la basse a un groove de batard, la batterie est super entraînante et n’hésite pas à taper sévère (il fait venir Morgan Simpson, la batteur de Black Midi sur Times et ça pète très fort), puis l’acoustique générale de l’album est incroyable, tout sonne super vrai et il y a vraiment un mélange lofi/live très appréciable.

N’oublions pas de rajouter à ça que l’album reste tout de même actuel dans les sujets qu’il aborde : racisme, pauvreté (il parle notamment de l’état des HLM en Angleterre), délinquance, mais aussi de la santé mentale, un sujet nécessaire qui devient heureusement de moins en moins taboo dans la musique (surtout dans le rap on se met enfin à en parler). Le tout depuis une position assumée, Wu-Lu c’est le skateur tranquille de South London, un mec normal qui se prend pas trop au sérieux comme pourrait l’indiquer le titre “loggerhead”. (Side-note : j’ai trouvé plein de définition au mot "loggerhead" et de ce que j’ai compris, c’est :

1) un slang pour dire "mec un peu stupide"

2) un terme pour parler d’un conflit "to be at loggerheads with someone"

3) une espèce de tortue avec une grosse tête

4) Du caca.

Je vous laisse le choix, perso je pense que c’est plutôt le 1)

Il est authentique dans sa position, il va pas non plus nous scander des trucs impossible du genre "PLUS DE GOUVERNEMENT PLUS DE BANQUE !", il observe et agit à son niveau, ce qui est déjà très bien et qui marche peut être même mieux.

Broken Homes, le dernier son de l’album, qu’il clôt parfaitement.

Ce qui partait initialement d’une vanne avec son manager (imagine Warp nous contacte un jour ? Non arrête tu déconne bro ahaha) est vraiment arrivé, et je vois pas de meilleur label pour accueillir un artiste comme Wu-Lu : éclectique et qui cherche toujours à repousser les limites.

En faisant hommage à ses inspirations musicales diverses et en voulant toucher à tout, sans se cantonner à un genre spécifique, Wu-Lu livre un premier album inclassable qui pue l’énergie et l’amour de la musique. Hâte de voir l’évolution de cette carrière qui ne fait que commencer.

Ecoutez Loggerhead sur toutes les plateformes : Spotify, Apple music, Deezer, Amazon Music, Youtube Music, Qobuz.

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