Jockstrap : string pour mec ou groupe trop cool ?

JOCKSTRAP - I Love You Jennifer B / Rough Trade / 2022

Georgia Ellery et Taylor Skye : Jockstrap (crédit NME)

Ça faisait 2-3 jours que je voyais passer des trucs "Jockstrap" sur Instagram sans savoir ce que c’était. Et puis j’ai découvert que c’est en fait un duo composé de Taylor Skye et Georgia Ellery, qui est membre d’un de mes groupes préférés Black Country, New Road (ma vidéo sur leur dernier album on sait jamais).

Donc je vois ça je me dis ok trop bien je vais checker ça. Je l’écoute une fois hier matin dans le métro plein à craquer et je vois pas le trajet passer, je suis dans une bulle (il fait chaud dans cette bulle sur la ligne 9). Donc j’attends pas je vais direct me choper le vinyl à la sortie des cours et je remarque qu’il est rangé dans la catégorie électro, et après réflexion, c’est vrai que ça convient plutôt bien. D’ailleurs ils ont eu une super idée niveau packaging : la pochette est vierge et on a plein de stickers à l’intérieur pour la custom comme on veut avec le titre, les logos, etc.

Un jockstrap, c’est un string de mec, je m’en suis rendu compte quand je suis tombé sur des photos de mecs en string en cherchant le groupe sur Google. Enfin non, pas des strings strings, l’avant c’est comme un slip et l’arrière laisse voir le cul. Bref, je vois pas le lien direct avec le groupe, mais ça va dans le sens de la folie de leur musique. Car oui, ils nous ont pondu un truc vraiment pas évident à décrire, et en général c’est bon signe.

Faut savoir que le duo a fait la Guildhall School of Music and Drama, une des plus prestigieuses écoles de musique au monde, donc niveau skill ils ont ce qu’il faut. On pourrait donc s’attendre à une musique très carré, très harmonieuse et "classique", et bien pas du tout, ils ont plutôt décider de remettre en question tout cet enseignement, pour notre plus grand bonheur.

L’album s’ouvre sur un chant très posé avec une petite guitare acoustique avant d’être embarqué par une guitare bien saturée, créant un mur de son laissant tout de même passer un magnifique choeur. On est bien partis.

À partir de là, on va de surprise en surprise. L’album alterne entre passages pop-folk classiques : une jolie voix frêle, des petites notes de guitare et de synthé et des passages complètement barrés, des beats electros bien énergiques et des manipulations digitales folles. Mais sans jamais faire le sacrifice de la mélodie, ce qui est compliqué.

On sent une aisance instrumentale qui leur permet de jouer (ou de se jouer ahahahah) des codes. On a jamais la même chanson au début et au refrain, toujours un turning point où tout bascule, tout devient fou. On retrouve beaucoup de sonorités retro : le son Greatest Hits en est l’exemple parfait. On se croirait dans les années 80 avec des percussions directement sorties du Synthé ou encore sur Jennifer B.

Georgia Ellery, son truc c’est l’écriture, les cordes et le chant. Une voix très douce qui me fait penser à Japanese Breakfast quand ça pousse un peu. Elle passe aussi bien sur des balades soft que sur des passages complètements déjantés, toujours avec la même justesse. C’est vraiment une chanteuse aux sonorités pop, pas de grandes folies vocales, juste ce qu’il faut entre tendresse et craziness. Sans négliger les textes, qui même s’ils vont un peu dans tous les sens (traduction : je comprend pas ce qu’elle veut dire) donnent lieu à des moments très beaux et vrais, notamment cette description du deuil :

« Pain is real
And love is real
But pain is also growth
And grief is just love with nowhere to go »

"Le deuil c’est de l’amour sans destinataire"

Son acolyte, Taylor Skye, son truc c’est plutôt les pianos et les manips digitales. Tout du long, on a le droit à plein de petits glitchs, des samples qui sortent de nulle part et surtout beaucoup de modifs sur la voix de la chanteuse. Il coupe les phrases et les replace dans le désordre, à l’envers, modifie le Pitch, la vitesse, bref il en fait ce qu’il veut. Et il hésite pas à balancer du lourd niveau bruit, sur le refrain de Concrete over Water par exemple avec un beat bien lourd et électronique. Une musique très instable, prête à partir au quart de tour et des sons très digitaux qui viennent casser avec la chaleur du chant et des cordes. On se croirait dans une simulation musicale qui bug.

Un des highlights pour moi, c’est le titre Glasgow, une super balade avec un rythme solide un refrain magnifique (I’m a Woman she believes innnnn). Le clip est assez insolite aussi, ça vaut le détour. On a d’autres morceaux calmes sur l’album, mais celui-là est selon moi le plus intéressant.

L’acoustique et l’électro cohabitent à merveille sur l’album, bien que leurs enchaînements soient pas toujours prévisibles, c’est grâce à leur folie que ça marche. Que ce soit un petit semblant de beat léger ou un gros pétage de câble comme sur Debra, où ça part en mélange hip-hop et musique de jeux-vidéo.

Et quand je dis électro, ça peut aller encore plus loin. Arrivé au dernier son de l’album, je m’étais dit que j’avais tout vu, et là j’ai compris à quel point ils étaient au-dessus. 50/50, le closer, c’est tout simplement un morceau de techno industrielle. Une voix robotique qui repète en boucle "in the bottle of jam" -> Dans la bouteille de confiture (pourquoi bouteille putain !?) Et des morceaux de voix lachés un peu partout pour un résultat 100% psychédélique et déjanté, histoire de terminer en beauté.

 

Petite parenthèse car j’ai fait ce rapprochement. Si je dois penser à LA personne que j’aimerais le plus rencontrer, ce serait Eric Andre. C’est un humoriste américain complètement taré qui a inventé le Eric Andre Show, et c’est juste no-limit : des caméras cachées, des blagues sans aucun filtre, nudité, blasphème, bref le meilleur. Ce mec, figurez-vous a fait l’école de Berklee à New York, donc la référence mondiale de la musique. Et il y a quelques années il avait sorti un album sous le nom de Blarf, chez le label Stones Throw quand même ! Ça se voulait un album destroy, parodique, et fou, avec du sample à gogo, aucune structure prévisible et surtout du chaos. Mais on y ressent quand même un potentiel musical (bon y’a un son de 12 minutes avec juste un sample d’explosion de bombe atomique). Et c’est à ça que m’a fait penser cet album de Jockstrap : et si Eric Andre décidait de VRAIMENT sortir un album sérieux, ça pourrait carrément être un banger ! J’espère que ce jour viendra, en attendant, il a quand même sorti des classiques avec Blarf, notamment Badass Bullshit Benjamin Buttons Butthole Assassin (vrai titre).

Bref, vous l’aurez compris, il faut écouter cet album de Jockstrap, vivre ce roller-coaster d’émotions et de rythme. Si vous pensez être surpris, attendez la prochaine parce que ça continue. Ça aurait pu être un album composé des seuls passages guitare / harpe / voix, ça aurait marché. Mais ils sont venus y rajouter 7000 couches de folies et de profondeur pour nous donner cet album qui est déjà un classique. À écouter d’urgence.

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