Épopée Bowie #1 : L’Homme, la Légende, et son premier album tout pété.

DAVID BOWIE - David Bowie / Deram / 1967

Vous connaissez David Bowie ? Oui évidemment. Mais est-ce que vous le connaissez vraiment ? Perso, vraiment peu. C’est pourquoi j’ai décidé de commencer une série d’articles sur la carrière de Bowie, album par album. Je vous emmène donc avec moi à travers mes découvertes, il va y avoir du bon et du moins bon, en commençant par ce premier album qui, on va se le dire clairement, est bien pété.

Alors oui Bowie c’est une légende absolue du rock, de la musique en général et de la pop culture, mais peu sont ceux qui ont déjà écouté son premier album éponyme. Lui-même a tout le long de sa carrière éclipsé ce premier jet, enfin disons que ses succès l’ont éclipsé pour lui plutôt. Toujours étant, il y a bel et bien un premier album, et je commence mon aventure à la découverte de Bowie par ici, vous êtes prêts ? Allons-y.

Je vais pas vous faire une longue bio de David, c’est pas le sujet, commençons à ses 15 ans, période durant laquelle David Robert Jones commence à jouer de la musique avec son premier groupe, les konrads (ils jouent principalement du rock à des mariages). S’en suivent plusieurs changements de groupes, changeant son nom de scène pour Davie Jones en rejoigannt les King Bees puis enchaînant les groupes de reprises de Blues sans trop savoir quoi faire, à part savoir qu’il veut devenir une popstar “maman, je veux devenir une popstar !”. Puis il change de nom pour David Bowie, déjà parce que le nom Davie Jones faisait trop penser à un autre Davy Jones du groupe les Monkees, mais surtout en référence à Rezin Bowie, un américain qui a inventé un couteau à lame fixe, assez long et fait pour le combat (c’était aussi un mec qui possédait des plantations où étaient exploités des esclaves (la polyvalence ça ne s’apprend pas)). Il sort des singles qui marchent pas du tout pour Pye Records, chez qui il avait un petit contrat puis on lui fait comprendre qu’on va continuer sans lui en 1966 (faut dire que l’équipe du label s’en battait un peu les couilles aussi), donc Bowie était pas méga satisfait. 

Son futur manager Kennteh Pitt (le père de Brad Pitt (faux)) lui paye une session studio à laquelle il invite aussi son groupe les Buzz, de laquelle ressortiront trois singles, qui feront leur effet auprès du label Decca. On lui propose donc un contrat dans un des sous-labels, Deram, pour un album. Apparemment le chef du label croyait vraiment en Bowie, même s’il n’avait pas encore de quoi réellement prouver sa valeur en tant qu’artiste. C’est durant les sessions d’enregistrement de l’album qu’il fait la connaissance de Mike Vernon, l’ingénieur du studio du label. Entre-temps, il quitte son groupe les Buzz pour pouvoir se concentrer à 100% sur l’enregistrement de son album. Il faut savoir qu’à cette époque, Bowie ne connaît rien au solfège, alors quand il est question de faire venir des musiciens d’orchestre pour jouer des arrangements et tout le bordel, il se sert d’un bouquin de vulgarisation musicale, histoire d’avoir quelques bases (mais certains musiciens ont le seum et demandent de nouvelles partitions). On fait également venir un max de musiciens pour jouer, qui ne seront pour la plupart d’ailleurs pas crédités, et l’album est fini le 1er Mars 1967. Fait rare à l’époque, l’album est mixé en mono ET en stéréo. Alors aujourd’hui, on s’en bat clairement la race du mono, mais à l’époque c’était un peu la base (je crois), à l’époque ils avaient même pas de téléphones portables, même pas de sextoys connectés !

Qu’est-ce que ça vaut musicalement ce premier album ? Car oui, il a vite été oublié après le succès de Bowie sur son deuxième album, mais il est bien là, il existe, et il est bien à chier. Alors attention, je suis pas un critique musical, j’ai (très) peu de termes techniques pour décrire la musique, j’ai pas un master en musicologie, MAIS, je peux vous assurer que cet album est à chier, Bowie lui-même décrit cette période de ses débuts comme “cringey”, la génance donc. 

Mais pourquoi ? Et bien j’vais vous dire (Sarkozy voice). 

Déjà, Bowie, qui écrit toutes ses chansons, est largement inspiré de chanteurs comme Antony Newley, qui sont clairement des chanteurs à l’ancienne un peu pété qui font de la musique pour les bals ou des délires comme ça, j’ai pas l’équivalent en français parce que j’ai aucune culture variét’ mais disons que c’était leur délire à l’époque. C’est de la musique de valse, du music hall comme l’appellent les anglais (donc des délires qui étaient déjà plus à la mode en 1920). Et en plus de ça, Bowie fait venir des instrumentistes classique, au lieu de partir sur du rock pur et dur comme les groupes qui marchent bien à l’époque, il part plutôt sur un truc baroque, donc qui mélange rock et musique classique. On se retrouve alors avec un album qui fait très clairement pas “bouger” rétrospectivement, mais déjà à l’époque non plus. Il y a assez peu de guitare au final, et beaucoup d’arrangements classiques avec des violons ou des trompettes, on a des passages à la cornemuse et des ambiances de marche militaires, mais bon c’est assez compliqué à apprécier honnêtement. 

Et puis niveau paroles c’est aussi assez spécial. Si Bowie parlait à la première personne dans ses premiers titres, ici, c’est à la troisième personne. Chaque chanson de l’album est une sorte de “short-story”, de petit sketch mettant en scène des personnages souvent ridicules ou bien atypiques : Oncle Arthur sur la première piste est un mec un peu nul qui retourne vivre chez sa mère après avoir essayé la vie de couple, un vétéran de 14-18, un tueur d’enfant, une femme trans, enfin bref c’est coloré. Il parle pas mal de la guerre, de la grande Guerre, mais aussi de thèmes beaucoup plus soft, pour ne pas dire niais. Sur “There is a happy land” il chante à propos d’un monde merveilleux peuplé uniquement d’enfants qui s’amusent et font leur vie … d’enfant : 

You've had your chance and now the doors are closed, sir

Mr. Grownup

Go away sir

Vous voyez l’ambiance : “les portes de l’enfance sont fermées pour vous monsieur le grand, gnia gnia gnia”. L’enfance qui est d’ailleurs un thème qui reviendra assez souvent durant sa carrière (spoil). En parlant d’enfant, Bowie sort l’album à ses 19 ans, et je trouve ça complètement ouf qu’il ait déjà cette voix à 19 piges. Le mec a sa voix définitive de “Bowie”, moi à 19 ans j’avais pas de barbe (j’en ai toujours pas vraiment) et je découvrais à peine le Sex (avec un grand S). Lui, c’était David Bowie, même si il avait plutôt aucun flow il faut l’admettre, mais bon il s’est bien rattrapé tout de même. 

Musicalement, vous l’aurez compris, j’ai pas grand chose à dire, j’en ai un peu rien à foutre pour être tout à fait honnête avec vous. Cependant on a quelques titres aux sujets intéressants. Par exemple “She’s got medals”, qui parle d’une meuf trans qui part à la guerre, et les médailles, bah c’est ses couilles, c’est une meuf qui a des couilles (j’ai pensé à la blague “bah dis donc Michael Phelps il doit avoir plein de couilles, mais c’est pas drôle, ça restera donc entre parenthèses). Dans un autre registre le dernier titre de l’album “Please mr gravedigger”, qui met en scène un gars qui a tué une fille de 10 ans et qui s’apprête à tuer le fossoyeur qui s’occupe de sa tombe. Alors déjà hors contexte c’est chelou, mais là après un album relativement niais et “nananana je chante des trucs rigolos nananana” le mec termine sur un ASMR serial killer sans instruments, juste le bruit de la pluie et un mec qui se prépare à tuer un fossoyeur. Tuer c’est déjà pas mal, mais tuer un fossoyeur, c’est vraiment lourd. Donc ouais, je sais pas trop qu’est-ce que ça fout là, mais j’accepte, et c’est même très drôle du coup, ça contraste totalement avec le reste de l’album. 

Imaginons que l’album ait été une énorme compilation de bangers, ça aurait aidé, mais là ça a été assez compliqué de faire des ventes. D’autant plus qu’il est sorti le même jour que le Sergent Pepper des Beatles, autant vous dire que Bowie et sa coupe au bol, c’est passé un peu inaperçu (la cover de l’album est vraiment pas ouf du tout). Inutile de vous dire que le label l’a pas gardé longtemps après ça. Même s’il a reçu quelques bonnes critiques, les ventes suivaient pas du tout, et ses nouveaux singles ont pas du tout convaincu. Il quitte donc Deram en 1968 et se retrouve à jouer le mime dans une pièce de théâtre et à y chanter certains de ses titres. David Bowie est donc à l’époque bien loin du succès qu’on lui connaîtra, et ce premier album restera tout au long de sa carrière un souvenir pas super, à la fois musicalement mais aussi en terme de relations avec son premier label. 

Mais en 1969, son manager veut le mettre en scène dans un film promotionnel, dans lequel il jouerait son propre rôle et interprétariat ses premiers titres, une sorte d’auto-pub pour le faire connaître à un public plus large. Ce film, titré “love you till tuesday” ne sortira qu’en 1984, alors que Bowie sera depuis longtemps une superstar internationale. Mais c’est pour ce film que Bowie enregistre le titre qui va le propulser et lancer véritablement sa carrière, devenir un tube absolument culte. Une chanson sur un astronaute seul dans l’espace, cette chanson, c’est Space Oddity, et elle va changer sa vie.

Vous pouvez écouter David Bowie sur toutes les plateformes : Spotify, Apple Music, Deezer, Amazon Music, Youtube Music, Qobuz.

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