Learning To Swim On Empty : Suite (pas) logique mais parfaite pour Wu-Lu

WU-LU - Learning To Swim On Empty / 2024 / Warp

@ Resident Advisor

Wu-Lu avait fortement marqué les esprits il y a deux ans avec son premier album “Loggerhead”, fortement imprégné d’influences punk et hip-hop, anxiogène et intense. C’est non sans intensité qu’il revient aujourd’hui avec son EP “Learning To Swim On Empty”, mais avec une posture et un ton différents, l’introspection et les production soignées sont au rendez-vous.

Depuis la sortie du premier single “Daylight Song” (article à lire sur le site si vous voulez), j’étais extrêmement impatient de découvrir la suite. Je sais pas combien de fois j’ai écouté le premier album “Loggerhead” depuis sa sortie mais il doit me falloir plusieurs mains pour compter (au moins 4-5 mains, soit 20-25 écoutes ce qui est pas mal je pense). Et je vous avoue que l’allure des 3 singles déployés avant la sortie de ce nouvel EP m’avaient laissé un peu sceptique. J’étais très attaché aux sonorités abrasives et urgentes du premier album, j’aimais cette ambiance grimy et inconfortable, et là je me retrouvais avec des sons chantés mellow et posés, qui sont très cools mais qui cliquaient pas pareil avec moi.

Cette nouvelle sortie était annoncée comme une prise de maturité de la part de l’artiste, une approche plus personnelle et nuancée (mots du label). Puis j’ai regardé quelques live instagram de Miles (c’est son prénom, on se connaît) pendant lesquels il  jouait des disques allant de free jazz indisponible sur les plateformes de streaming à du bar italia tout récent et des classiques rap, histoire de montrer qu’il est quand même avant tout un dj et un gros kiffeur de musique. Et c’est là que j’ai compris que j’avais tort de m’inquiéter, qu’en fait le gars faisait la musique qui lui plaisait et que s’il avait envie de faire un truc plus posé et bah c’était son droit après tout (je suis également son manager).

J’ai donc attendu le produit fini avant de pouvoir donner un avis définitif , et c’est sans appel : cet EP est une suite parfaite, bien que très différente.

Déjà on commence en douceur avec  un piano lounge sur lequel le poète Rohan Ayinde vient délivrer un texte (mode spoken-word évidemment) qui préface le thème central de cet EP, qui peut s’apparenter à un rassemblement de fragments de journal intime, où l’eau à une place centrale. L’eau qui noie, mais l’eau dans laquelle on peut apprendre à nager. “Learning to swim on empty”, où comment naviguer dans cette vie faite d’embûches, se relever de défaites et/ou de pertes en gardant la tête “above water”. C’est donc sur un postulat assez négatif de base que Wu-Lu vient nous délivrer des titres pour aller de l’avant. Daylight Song, le deuxième titre, souligne parfaitement cet état d’esprit. Un appel à la lumière du soleil, provoquer la lumière : guitare sirupeuse, batterie syncopée et refrain chanté, on garde le smile. Pareil sur Sinner, Wu-Lu semble maîtriser l’art du refrain chanté, enfin du chant tout court finalement. Un groove ultra efficace et un refrain super catchy sur un tempo pourtant plus lent qu’à son habitude. 

Cet EP c’est aussi un tour de force en terme de production. Bien que la production du premier album, plus abrasive et électronique, ai largement contribué à son succès, on a ici une entreprise tout à fait différente à écouter. Les arrangements sont dingues, le titre Mount Ash déroule une montée en puissance magnifique, des arrangements au violon et un choeur féminin pour accompagner l'enchaînement chant/spoken-word de Wu-Lu. Vraiment un titre majestueux, qui finit sur un loop de kick bien fat inattendu. On retrouvera ce même type d’arrangements plus tard sur Last Night With You ,qui commence lui aussi en douceur avec cette composition aux violons et au son très ample et aéré, avant de partir sur un beat de batterie live au frontières de la drumn bass et des paroles kickés à l’ancienne. Car Wu-Lu garde quand même une part de son héritage hip-hop sur cet EP, son style de rap très proche du spoken-word un peu blasé et intense qui vient contrasté avec ses refrains chantés uplifiting sur blunted strings, un titre très “hip-hop” (je fais des signes avec mes doigts en disant “hip-”hop, et j’ai une casquette à 45° sur la tête). Puis on termine (presque) comme on a commencé, sur une outro spoken-word cette fois du poète nigérian Caleb Femi, sur fond de guitare acoustique très douce, une fin très douce qui vient clore cette expérience singulière.

Je pense que c’est un EP qui se savoure encore mieux d’écoute en écoute, qui “grow on you” comme disent les anglais (grandi sur toi). Déjà je pense qu’en diggant les paroles on ouvre une clé de lecture supplémentaire pour apprécier encore plus la musique, puis juste profiter de cette vibe vraiment unique que procure la musique de Wu-Lu. Absolument pas déçu donc, au contraire, je suis très heureux, grand sourire après l’écoute de Learning To Swim On Empty. Une maîtrise de la composition qui se confirme donc ici, avec un artiste qui peut jouer sur tous les tableaux, et puiser dans tout ce qu’il connaît, ce qu’il aime, pour créer une œuvre forte et personnelle, d’une musicalité riche et d’une grande authenticité.

Foncez écouter cet EP je vous en conjure, posez vous quelque part tranquille et laissez-vous bercer.

Vous pouvez écouter Learning To Swim On Empty sur toutes les plateformes : Spotify, Apple Music, Deezer, Amazon Music, Youtube Music, Qobuz.

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