Le monde étrangement festif des Ninos Du Brasil

NINOS DU BRASIL - Vida Eterna / La Tempesta International / 2017

Embarquez dans le monde étrange et dansant de Ninos Du Brasil, au rythme de la Batucada et de la techno, pour un voyage hanté à travers la forêt tropicale et ses cérémonies mystiques. 


Alors là ! Là je suis extrêmement excité à l’idée de vous présenter cet album, et je vais d’abord vous montrer le cheminement qui m’y a amené, car je trouve que c’est intéressant les ponts de lecture dans la musique (et dans l’art en général). J’écoute pas mal un album de percussions en ce moment (que je vais vous présenter prochainement, no spoil) et donc je cherchais un peu des infos dessus et je vois que c’est fortement impregné de la batucada. Mais qu’est-ce que quoique la batucada ? Bah c’est un sous-genre de la samba qui utilise énormément des percussions traditionnelles du Brésil, et c’est carrément cool ! Puis en diggant encore un peu je tombe sur une liste des “meilleurs” album de batucada et je vois cette pochette d’une peinture de chauve-souris qui m’intrigue : Ninos Du Brasil - Vida Eterna. J’ai écouté un extrait en vitesse et je me suis gardé l’album sur le côté pour plus tard et putain … C’est juste dingue ! 

Qui sont donc ces Ninos Du Brasil ? Et bien comme leur nom l’indique, ce sont des … ITALIENS ! Oui, parfaitement, Nico Vascellari et Nicolo Fortuni (des mafieux) sont deux anciens musiciens de la scène post-punk italienne qui ont fondé leur duo électronique dans les années 2010. Alors qualifier leur musique d’électronique ne serait pas vraiment une erreur, mais c’est vraiment plus que ça ce qu’ils font. Pas évident de trouver des infos sur eux, même les origines du groupes sont assez mystérieuses et leur propre communication entretient ce mystère. Mais peu importe car leur musique fait tout le boulot pour eux.


En 2017 ils sortent Vida Eterna, leur troisième album, conjointement sorti sur 2 labels italiens et américains. Et pas n’importe quel label américain : Hospital Production ! Pour la petite histoire, c’est le label de Dominick Fernow, un musicien électronique assez légendaire de la scène noise / techno qui porte plusieurs noms dont les plus connus sont Prurient ou encore Vatican Shadow. Sa musique est vraiment très glauque et angoissante, avec des rythmiques souvent très effacées et il traite de sujets d’actualités, géopolitique, crimes de guerre, l’Eglise, l’armée, tout ça quoi, c’est pas jojo, mais c’est vraiment très cool. Je vous invite à écouter son set du Berghain qui est trop cool ou encore son EP Rubbish of the floodwaters qui est à mon sens un des plus accessibles pour commencer. 

Bref, quand on écoute leur musique ça fait plutôt sens qu’ils sortent un album sur ce label. Et puis la cover est trop cool aussi. Figurez-vous que c’est une peinture de Marvin Gaye ! Oui oui, une peinture de Marvin Gaye Chatwind, une artiste expérimentale anglaise, qui tirée d’une série de peintures de chauve-souris qu’elle a réalisé, sympa l’anecdote !

Mais venons-en à la musique, pourquoi je suis aussi content de vous présenter ça ? Et bah figurez-vous que ça faisait longtemps que j’avais pas été aussi happé par un truc que j’écoute, immergé à ce point dans le son et transporté. C’est un album assez anxiogène cependant je vous préviens, il dégage un truc bizarre, et c’est le but !

Il s’ouvre sur des bruits de créatures étranges, comme si l’on était au milieu d’une forêt tropicale en pleine nuit et que la nature prend possession des lieux. Je sais pas si mon cerveau est biaisé et fait des raccourcis du fait que les mecs soient italiens, mais ça me fait énormément penser à la B.O de Suspiria de Goblin, en particulier le titre le plus connu et la scène d’introduction du film où la meuf prend le taxi et voit des trucs chelous en regardant la forêt par la vitre. Bref, même délire, des voix murmurant des trucs chelous, c’est assez déstabilisant. Le tout accompagné d’un beat aux percus tribales. 

Et plus on avance dans l’écoute, plus on s’imprègne de cette ambiance étrange. C’est je dirais “étrangement festif”, comme si on participait involontairement à une espèce de cérémonie traditionnelle très mouvementée, limite un truc de sacrifice. Par exemple cette scène de King Kong où les gens de l’île capturent la meuf et l’offrent à Kong, toute la cérémonie trop angoissante qu’ils organisent en grande pompe, bah voilà c’est à peu près ça mon feeling. Mais c’est pas seulement chelou, y’a un réel rythme qui donne envie de bouger, c’est très tribal, ça réveille nos sens les plus primitifs. Et donc on est à la fois décontenancé par le ton menaçant de la musique et l’atmosphère qu’elle dégage, mais avec une envie irrépressible de danser, je trouve ça incroyable. Toute la progression de l’album se fait comme ça, comme si on traversait la forêt en chemin pour une grande cérémonie, aux rythmes de percussions toutes plus exotiques les unes que les autres. 

On sent également les racines plus punk et indus du duo, sur des productions très techno minimale sur certains titres, et même l’utilisation du son en général. Tout est très “réel”, super bien enregistré et samplé, les percussions paraissent jouées en live, ça sample des bruits d’insectes, des bouteilles de verre, c’est un véritable trip de percussions. D’ailleurs s’il existait un terme équivalent à l’épilepsie mais pour les percussions, il serait de mise pour décrire cet album. Certains titres et passages sont hyper club-ready que d’autres, la troisième piste par exemple avec son sample d’une meuf qui chante sur une prod ultra accélérée et urgente, ou encore mon préféré A Magia Do Rei, Pt 2 qui constitue le point culminant de la transe de cet album. On nous embarque dans tout un trip pour arriver au sommet à ce moment là et juste perdre connaissance sur le dancefloor, dans la forêt amazonienne. On perd un peu de cette énergie sur la fin de l’album, qui termine plus en douceur, avec des sons plus “mood” que le reste, et même un final avec un chant carrément hanté d’Arto Lindsay. 

C’est un véritable festival percussif, c’est captivant, presque hallucinant, y’a du bruit dans tous les sens, tout est alarmant, ça fait peur, mais ça donne envie de faire la fête aussi, c’est un feeling unique, une boiler room sauvage parsemée de folk horror ? Ça me plaît comme description.

Bref, cet album EST une expérience unique, je m’en remets pas. Ça capture une énergie tellement étrange, mais addictive, on a l’impression d’entrer dans un monde parallèle, drogué aux percussions qui sonnent dans tous les sens, des voix éparses qui crient et chantent, nous hantent. 

Non vraiment c’est dingue, allez voir par vous-même, ça vaut clairement le détour. 

Vous pouvez écouter Vida Eterna sur toutes les plateformes : Spotify, Apple Music, Deezer, Amazon Music, Youtube Music, Qobuz.

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