Avec Belong, le shoegaze n’est jamais mort

BELONG - Realistic IX / kranky / 2024

13 ans après leur dernier album, le duo américain Belong revient chez kranky pour délivrer un magnifique album conjuguant parfaitement l’intensité du son shoegaze des 90’s à l'évanescence d’une musique ambiante, avec quelques incursions dans l’électronique. C’est grandiose.

Oui le shoegaze a le vent en poupe, oui Belong vient potentiellement de sortir un des meilleurs albums de l’année et oui si vous aimez My Bloody Valentine vous allez plus qu’adorer cet album !

Pourquoi je m’excite comme ça ? Je vais vous dire ! Ça fait 3 mois que j’attends impatiemment cet album, j’ai tout de suite été hypé quand j’ai entendu le premier single Souvenir en Mai, un pur banger de shoegaze avec un riff qui rentre dans la tête comme pas possible. J’ai donc checké un peu qui étaient ces Belong, c’est le duo musical de Michael Jones et Turk Dietrich, qui a déjà sorti 2 albums auparavant, dont le plus récent datait de 2011 ! Absolument pas anodin, ils sont signés chez kranky, un des labels les plus respectés de la scène indie / ambient et expé américaine, qui sortent notamment les albums d’un de mes artistes all time Tim Hecker (le dieu de l’ambient ? Oui, je pense que oui). Bref, si je vous dis tout ça, c’est parce que c’est important à prendre en compte, tout se rejoint, tout fait sens. 

Si leur précédent album Common Era était plus centré sur un son ambient / shoegaze, très atmosphérique qui s’apparentait à un espèce de fever dream étrange, cette nouvelle sortie donne beaucoup plus de punch à leur son. En même temps, 13 ans ça laisse le temps de maturer un nouveau truc, et c’est une véritable claque dans la gueule qu’on se prend. Pour l’occasion, kranky organisait une listening party sur bandcamp, histoire d’écouter l’album en avant-première, et c’était génial ! Y’a un petit chat en direct où les fans peuvent discuter, trop bonne ambiance, et visiblement je suis pas le seul à avoir adoré. J’étais connecté sur la page à 20h précise pour l’écoute et là BAM ! Le premier titre se lance sans annonce sans rien, j’ai sursauté, puis c’était parti pour 38 minutes de ouf.

Le premier titre Realistic (I’m still waiting) ouvre parfaitement l’album avec un riff super nerveux et fuzzy à point, suivi de près par une voix fantomatique, qui plane au dessus de la musique, presque écrasée par le mur du son constant produit par les guitares et leurs 3000 effets et compressions. Ils utilisent d’ailleurs pas mal de boîtes à rythme digitales, très discrètes mais tout de même présentes pour donner un tempo quasi métronomique. La structure du premier morceau, ou encore de Souvenir ou Jealousy est plus ou moins la même : un riff qui se répète tout du long, efficace et énergique, contrebalancé par des passages plus atmosphériques, où la voix prend un peu plus le dessus, avant de repartir de plus belle sur la guitare et le fuzz. C’est d’ailleurs impossible de discerner des paroles dans le chant, si ça se trouve ils disent n’importe quoi, on saura pas, et c’est pas grave ça marche très bien comme ça. 

Évidemment, on est obligé de penser à My Bloody Valentine en écoutant cet album, en particulier leur son sur le cultissime Loveless sorti en 1991. Et c’est donc très intéressant de voir ces sonorités revisitées avec brio par Belong, notamment sur Difficult Boy qui me fait clairement penser à loomer, avec adjonction de boite à rythme. On ressent cette même énergie fiévreuse qu’à l’écoute de My Bloody Valentine, un son noyé dans le bruit, mais avec un côté résolument sensuel et intime, c’est assez bluffant. 

Si on a des bangers, on a aussi des morceaux qui plairont aux amateurs de murs du son, notamment sur l’excellent bleach et sa guitare saturée au maximum, avec un semblant de mélodie enfouie dans la masse sonore venant tout brouiller sur son passage par vagues successives . Là aussi, je ne peux que penser à Tim Hecker et ses manipulations du bruit, du delay et de la saturation par vagues comme ça, pour créer des scènes ambiantes à couper le souffle, je suis aux anges (je vous disais que ça avait un lien). 

Et la surprise sur le dernier titre AM / PM et sa boucle de guitare hautement compressée et du delay en fond, sur un beat de dub techno très minimaliste. Une des personnes sur le chat de la session d’écoute a très justement dit que ça pourrait être un titre de The Field, c’est tellement vrai (écoutez ça par exemple c’est dans la même vibe). Le titre parfait pour clore cette écoute dans laquelle on alterne entre rythmes effrénés, riff énergiques et des morceaux plus atmosphériques.

Tout ça dans un seul et même album, c’est très fort. Même si les titres varient en structure et en intensité, ils gardent chacun cette même essence, cette même énergie évanescente, cette sensualité. On frôle l’ambient à maintes reprises avant d’être bousculé par l’intensité des guitares et leur son hautement abrasif. Les voix sont enfouies dans la masse, puis remontent à la surface avant de repartir comme un fantôme de passage. Leur travail du son est minutieux, ça se sent, ils doivent être incroyables en live, et il se dégage de cette écoute un réel sentiment de musique organique, où les mecs jouent avec leurs pédales, expérimentent leur son, presque directement sur le master, ou en tout ils en donnent l’illusion. 


Réussir à combiner l’essence de la musique ambient, la fièvre de la guitare saturée shoegazy et la musique électronique de cette façon c’est un exploit si vous voulez mon avis. C’est du grand art, merci Belong, et merci kranky !

Vous pouvez écouter Realistic IX sur toutes les plateformes : Spotify, Apple Music, Deezer, Amazon Music, Youtube Music, Qobuz.

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