In Waves : le dancefloor pour se retrouver avec soi-même
JAMIE XX - In Waves / Young / 2024
9 ans après son dernier album solo, Jamie XX revient avec l’album de dance parfait, efficace, taillé pour le dancefloor comme pour un moment seul avec soi-même.
C’est quand même assez dingue de revenir après 9 ans d’absence avec un album qui a tout à fait sa place dans le paysage musical actuel. Je veux dire, c’est pas souvent qu’on se barre 9 ans et qu’on revient, puis que tout le monde est là en mode “oh mec ça va ?” comme si t’étais parti y’a 2 minutes. Bon évidemment on parle de quelqu’un qui s’est jamais réellement “absenté” 9 ans d'affilée, Jamie XX est relativement actif, que ce soit avec son groupe The XX (en pause actuellement) ou sur les projets solos de ses membres, dont il est accessoirement le leader. Mais tout de même, c’est pas évident de revenir en confiance sur un album solo après tant d’attente, car oui les gens attendent encore, personne n’a oublié Jamie XX ! Et tant mieux, car on passerait à côté de beaucoup. Alors avant de commencer je tiens quand même à prévenir, vous allez pas écouter un truc absolument novateur et révolutionnaire musicalement, même carrément pas. Mais c’est pas du tout un problème, au contraire. Ce nouvel album (dont la cover reprend clairement l’effet d’optique du célèbre album noise Pulse Demon de Merzbow) ne réinvente pas la musique dance, il la condense sur 45 minutes pour un mélange quasi parfait de ce qu’elle a à proposer.
Pour tout vous dire, je suis pas du tout branché Jamie XX, ni univers XX en général (plutôt XXX tsais ahahah le mec qui se branle énormément). Ces sonorités dance/pop me parlait pas du tout il y a encore quelques années, et je découvre donc maintenant que je suis passé à côté d’un truc vraiment trop cool. Je me suis refait les 2 albums solo de Jamie et j’étais conquis, le terme UK Bass prend désormais tout son sens dans mon esprit. Si vous êtes fan du style, vous allez adorer ce nouvel album In Waves. Le premier titre Wanna pourrait vous faire penser à l’opener de l’album In Color Gosh, même basse sous-jacente en guise d’introduction avant d’entrer sur le dancefloor, le son d’une fin de soirée à l’aube. Car c’est un album de danse, fait pour vraiment danser. Et ça on le capte dès le deuxième titre Treat Each Other Right, d’une efficacité de dingue : un sample soul comme on en a plein tout le long de l’album, pitché au max et des transitions trop cool, house dubstep on passe par toutes les étapes de la musique électronique anglaise.
En fait, tout l’album va alterner entre deux ambiances selon moi, ou du moins faire cohabiter deux ambiances : la fête et la mélancolie. Alors dit comme ça, ça paraît bateau de ouf (cf : le japon c’est entre modernité et tradition …) mais c’est réellement ce que ça me fait ressentir. ça me fait carrément penser au son de burial, cet entre-deux de la dance musique et de l'ambient bien tristoune, avec une bonne dose de sonorités sombres et urbaines. On subit des crescendos d'émotions tout du long, et la fluidité des transitions et des ponts au sein même des tracks rendent un album qui se joue d’une traite comme si on vivait une soirée en direct. Les samples de soul sont quasi omniprésents, notamment sur le titre Dafodil (qui veut dire jonquilles) sur lequel vient chanter l’incroyable John Glacier, figure émergente de cette nouvelle scène R&B indie anglaise (qui a déjà collaboré avec Vegyn cet année notamment, le vent en poupe !). Les featurings sont d’ailleurs multiples, 9 apparemment. On retiendra notamment Panda Bear sur Dafodil, Honey Dijon sur Baddy On The Floor, The Avalanches sur All You Children et évidemment Rony de the XX sur Life (on fait croquer la team). Chacun ramène sa patte, que ce soit R&B ou grime, ils permettent tous de composer un son pluriel qui en fait un album très vivant. On a aussi Breather, le titre le plus sombre de l’album. Une longue piste de 6 minutes qui prend le temps de nous assommer de basses profondes avant de passer sur du quasi-spirituel et un finale en élévation totale (élévation dans le sens l’esprit quitte le corps #freeyourmind).
C’est ultra dansant, mais c’est aussi plus que simplement de la dance music. Y’a une patte, le production est comme à son habitude beaucoup plus complexe qu’il n’en paraît, si on prend le temps d’écouter. ça tombe bien, c’est un album qui peut avoir plusieurs prismes de lecture. Y’a des sons que je pourrais écouter dans mon lit en mode déprime et d’autres qui me donne envie de porter des bracelets fluos et un chapeau avec des plumes dessus en faisant une bataille de paillettes (c’est une image très clichée et fausse que je me fais du public de tomorrowland, mais ça me fait rire). On ressent pleinement l’aspect humain de la musique. On a pas du tout ce filtre “studio” dans l’enregistrement, qui est d’ailleurs nourri de bon nombre d’extraits de conversations entre personnes, de bruits de rue, d’enfants qui jouent, qui chantent, c’est très vivant. Le titre All Your Children sert quasiment d’instructions, une mamie qui dit aux enfants de se rassembler et de danser, comme si nous étions nous-mêmes les enfants en question.
C’est l’album de dance parfait en somme. Tous les sons sont ultra efficaces, dans la mélancolie comme dans le fun à l’état pur et le lâcher prise de la soirée. C’est une soirée en fait, sous tous les aspects qu’elle peut revêtir : la soirée triste, la soirée seule, la grosse teuf, la soirée amoureuse, bref je vais pas toutes les faire vous avez compris. Un concentré magnifiquement produit de musique de la nuit, accessible, mais qui plaira aussi aux diggers pour son sampling et son travail du son digne des plus grands.
La sauce Jamie XX marche toujours, pour notre plus grand bonheur.
Vous pouvez écouter In Waves sur toutes les plateformes : Spotify, Apple Music, Deezer, Amazon Music, Youtube Music, Qobuz.