HYPER GAL : Frénésie, frénésie et frénésie

HYPER GAL - After Image / SKiN GRAFT Records / 2024

Cette semaine je vous parle d’un album qui va sûrement parler à assez peu de monde, mais si je peux attirer votre attention dessus et ultimement vous faire apprécier un nouveau style de musique, alors je serais le plus heureux du monde.

Le monde de la musique “expérimentale” est assez dur d’accès je trouve, j’y connais pas grand chose, mais ça me fascine. Déjà, en terme de définition, ça veut un peu dire tout et n’importe quoi. On peut à la fois y foutre un mec qui joue de la flûte avec son cul que des boucles de static de télé amplifiées ou même des gens qui hurlent sans musique ou quoi que ce soit. En fait, c’est un peu le fourre-tout quand on n’arrive pas à qualifier la musique qu’on écoute. Mais il y a expérimental et expérimental (le bon chasseur etc), et avec HYPER GAL, on peut quand même trouver quelques repères sans forcément être un expert de la musique bruitiste, et même apprécier, believe me.

HYPER GAL c’est 2 meufs : Koharu Ishida et Kurumi Kadoya, toutes deux originaires d’Osaka, l’une pratique les arts visuels, l’autre est musicienne bruitiste. 1 batterie, 1 clavier et une chanteuse, le duo fait beaucoup avec peu. Je suis tombé sur elles en lisant le magazine The Wire. Les journalistes faisaient écouter leur single Over Fussy au groupe Melt Banana et les comparaisons avec leur propre musique semble évidente. L’esprit déjanté noisy avec une meuf au chant et des instrus carrément barrées, on est obligé d’y penser. 

Un autre élément assez intéressant relie les deux groupes,  c’est le label SKiN GRAFT (ça veut dire greffe de peau en anglais, sexy non ?). C’est un label de Chicago qui a été un acteur majeur de la scène “no-wave” des années 80, donc une belle maison pour les disques de noise. Et un petit fun-fact, c’est à la base un éditeur de comics, et ils rajoutent souvent des petits comics dans les vinyles et le merch. Bref, ce premier album d’HYPER GAL sort donc là-bas, et c’est du très lourd ! J’ai écouté leur premier EP Pure paru lui aussi cette année, qui est pour le coup beaucoup plus difficile d’accès car résolument plus bruitiste pur, pas tellement ma came. Alors que sur After Image, on a un son beaucoup plus ouvert et mélodieux, mais ne vous attendez pas non plus à chanter des refrains et faire du karaoké dessus. Déjà c’est chanté en full japonais, puis disons que niveau structures de chansons y’a pas vraiment de refrains ni de couplets définis, c’est plutôt du free-form je dirais (il doit exister un terme spécifique pour ça, je ne l’ai évidemment pas). Et puis finalement, c’est pas ça qu’on recherche en écoutant un groupe comme HYPER GAL, on veut de l’énergie, de la folie, de la frénésie. Et pour ça, y’a pas de galère.

Dès la première piste vous allez savoir si c’est pour vous ou pas, les premières notes d’orgue électro bien dégueulasse peuvent en refroidir plus d’un(e). Mais si vous restez, vous allez pas regretter. C’est un des seuls titres avec une structure “classique” disons, intro choeur, simili-refrain puis final. Le jeu de batterie est simple, mais efficace, et il est même assez contenu sur cette intro. C’est une musique assez répétitive en réalité, mais c’est comme ça que ça marche. Les notes de synthés et d’orgues sont peu agréables, souvent dissonantes et tenues sur la durée, quasi sans modulation, avec juste un jeu de batterie frénétique par dessus. Ce qui fait la force d’HYPER GAL selon moi c’est surtout le chant. Enfin, à mi-chemin entre le cri et le spoken-word, une sorte de rage semie-contenue avec une voix suraiguë, des paroles scandées ultra répétitives, comme quelqu’un qui répéterait la même phrase sans cesse dans une démarche d’auto-persuasion. Tout se joue sur le rythme, la façon dont elle va chanter plus ou moins vite, plus ou moins fort, l’alternance des deux, en répétant la même chose sur toute une piste. Typiquement le titre Over Fussy me rend complètement ouf, une première partie instrumentale sur une boucle de basse accompagnée d’un son d’orgue électronique digne du synthé le plus cheap de la planète, puis l’arrivée de la batterie maxi énervée et quasi uniquement centrée sur les cymbales, et les mêmes paroles scandées pendant plus d’une minute. C’est exceptionnel. 

En terme de son je vous accorde que c’est pas le truc le plus mélodieux et le plus complexe de l’année, mais c’est juste pas le but. Ça me fout tellement la pêche d’écouter ça bordel. Je trouve ça fou de réussir à produire tant d’énergie avec un setup aussi réduit. Ca sonne très industriel, très live, c’est pas nécessairement agréable, les quelques tentatives de mélodies sont bienvenues mais on les attend clairement pas sur ce créneau. Le titre Attribute par exemple commence comme une parodie de musique funéraire, Unrhymed commence sur une ligne de basse qui rappelle Take California des Propellerheads (musique de la première pub Ipod), le titre GHOST est certainement le plus noisy de l’album avec un son de guitare ultra métallique. Et puis l’outro est un long morceau de 6 minutes avec une structure qui rejoint celle de l’intro, plus classique, mais un finish en full bordel bien bruyant comme il faut. 

En fait, il faut écouter ça comme une expérience. C’est comme un concert de noise, au début on a envie de crever et de quitter la salle, mais une fois que l’oreille s’est adaptée, c’est addictif. Ici, le son désagréable et dissonant des claviers devient indispensable à l’harmonie générale du bordel qu’elles déploient sur chaque titre et il y a un réel sentiment de son vivant, enregistré sur le go. La rencontre d’une voix de petite fille ultra aigue et de musique aussi bordélique et bruyante est excellente, c’est raw, c’est fun et c’est drôle je ne peux que recommander cet album.

Et elles passent à Paris (Montreuil pour être précis) le 29 Octobre ! J’y serai évidemment, je peux pas rater ça.

Vous pouvez écouter After Image sur toutes les plateformes : Spotify, Apple Music, Deezer, Amazon Music, Youtube Music, Qobuz.

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