Below The Waste : rencontre noise-rock/folk/pop au sommet pour Goat Girl.

GOAT GIRL - Below The Waste / Rough Trade / 2024

Le désormais trio londonien Goat Girl nous livre son troisème album “Below The Waste”, 16 titres où le noise-rock côtoie la folk et les synthés pop en une osmose toute particulière et où le bruit et la douceur ne font plus qu’un.

Les lecteurs réguliers ne seront pas surpris (ils seront peut-être même ravis *wink-wink*), cette chronique commencera par un joli storytelling, car j’adore raconter ma vie, et en plus je trouve que ça sert mon propos, à savoir que cet album que je m’apprête à vous chroniquer est magnifique.

Ok, go !

Première écoute très rapide sans trop me concentrer sur la musique (métro vendredi soir vous voyez l’ambiance), c’est sur la deuxième écoute que je me fais avoir. Je sors du boulot samedi soir, fatigué et un peu blasé, donc je vais dans mon petit parc à côté du taff pour pas rentrer direct chez moi et profiter du soleil. Je porte un short assez court, style sport, un collègue me dit “bah alors tu vas au tennis ou quoi ? ahahah” - ouais connard je vais au tennis et après je vais baiser ta soeur - bon je lui ai pas dit ça mais j’en pense pas moins, vous captez mon ambiance, j’ai besoin de m’évader. Je me trouve donc un banc tranquille et lance l’album, soleil en plein les yeux, et là je passe 47 minutes à regarder les arbres, les oiseaux et les enfants jouer, sans bouger, à juste contempler la vie se dérouler devant moi, tout ce monde qui se rassemble ici pour profiter du même soleil en famille, entre amis, en couple, en musique. 

Donc là si vous êtes pas un MINIMUM curieux d’écouter, euhhhhh remettez-vous en question en fait …

Aujourd’hui, on parle de Goat Girl, le trio post-punk/folk/pop de Londres et de leur troisième album Below The Waste, paru ce vendredi 6 Juin. Je ne connaissais pas ce groupe, j'apprends d'ailleurs en préparant cette chronique que plusieurs changements de composition ont eu lieu depuis le début de leur carrière, le dernier en date marquant le départ de la guitariste Ellie Rose Davis, donc un album assez attendu j’imagine pour les connaisseurs. Et j’ai plutôt l’impression qu’elles s’en sortent bien à 3, même très bien ! N’oublions pas également l’aide à la production de monsieur John Murphy, dit “Spud” à qui l’on doit la production notamment du deuxième album de black midi “Cavalcade”. 

Dès les premières secondes de l’album, on est invités dans un espèce de rêve en pleine nature, sous la pluie, bercé par des voix angéliques suivies de près par une grosse ligne de sub bien profonde. Cette cohabitation du céleste et des abysses va se poursuivre tout le long de l’album, dans un tension-relâchement constant, pour notre plus grand plaisir. Les sonorités abrasives ne tardent pas à se présenter, dès la deuxième piste “ride around” on a le droit à une guitare bien noisy et grave venant ponctuer la voix sensuelle de Clottie, la chanteuse principale. Puis tout se mélange : passages instrumentaux bruitistes, harpe, synthés pop et instruments folk à la mort banjo et tout le bordel, tout ça sur un même morceau. 

Et c’est ça que je trouve dingue avec cet album, c’est qu’il nous emmène dans plein de recoins du répertoire musical du groupe, se balançant entre chaque ou les faisant se rejoindre, sans jamais faire fouilli ou gimmicky, c’est très fort. On va avoir des titres comme “play it down” ou “motorway” qui sont très pop et utilisent pas mal les synthés, puis des sons aux inspirations post-rock comme “where’s ur <3” avec un passage instrumental qui pourrait clairement être joué par Godspeed You! Black Emperor ou encore des synthés bien bourrins et limite comiques à la Kanye West en guise d’introduction sur ”tcnc”, un titre particulièrement sombre et cauchemardesque. Et tout du long, elles parviennent à instaurer (en tout cas chez moi) une ambiance très “nature”, au sens outdoor, communion avec les arbres etc, etc. D’une part avec l’utilisation d’enregistrements de bruits de nature, on a la pluie, les oiseaux, on a même une vache à un moment, et puis d’une manière générale c’est que m’inspire leur musique ici. Je sais pas si ce sont les sonorités folk qui me mettent direct dans un mode “on est dehors, on chante on fait la guitare et le banjo c’est rigolo” mais je ressens carrément cette impression de liberté et de nature en écoutant cet album, de forêt tiens, voilà ça résume mon idée. D’alleuirs la pochette fait penser à une vision un peu flippante de forêt hantée la nuit avec des esprits. 

En parlant d’esprits, je trouve que c’est un album très envoûtant, je le dis déjà plus haut, mais les transitions avec de la harpe, les oiseaux qui chantent et les magnifiques harmonies vocales des 3 filles ont juste un rendu sublime. Elles se complètent parfaitement toutes les 3, déjà sur le plan instrumental, mais leur voix se répondent aussi magnifiquement, dans le chant de sirène comme dans les hurlements de “tcnc”. Ambiance “witchy” même sur certains aspects, certains passages sonnent très “processions rituelles” et chants spirituels. Ça me fait d’ailleurs penser à l’excellent album de Spellling “The Turning Wheel” sorti en 2021, qui rassemblait lui aussi de nombreux éléments folk, pop et baroque et me donnait cette même impression de musique en étroit lien avec la nature, avec en bonus une voix très inhabituelle, allez écouter vous verrez.

La diversité des instruments contribue grandement au voyage que propose cet album : on a un lineup classique post-punk (guitare, batterie, basse, synthés), mais on a aussi des percussions un peu exotiques qui viennent s’immiscer par-ci par-là, des violons et de la contrebasse, de la flûte, le tout évidemment avec une maîtrise de l’enregistrement qui donne un son grandiose, pouvant sonner intime comme à couper le souffle d’intensité. Que ce soient sur les passages acoustiques tout doux comme sur les gros riffs de guitare abrasifs, tout est juste et cohérent. 

On se retrouve au final avec une oeuvre très dense et immersive, en constant état d’oscillation entre l’intime et l’urgence du bruit, mais avec cette même justesse mélodique et cette recherche de l’harmonie, même dans les passages les plus bruyants, la quasi omniprésence d’une ligne de sub très grave faisant le contraste avec les voix très douces, mais qui savent être brutes lorsque nécessaire. 


Une phrase du morceau final, un très beau final de 6 minutes soit dit en passant, rend assez bien compte de cette cohabitation du doux et du brut, et qui s’avère être vrai dans bien des cas de figure (musique ou pas) : Noise is peaceful.

Allez écouter Goat Girl, trust me.

Vous pouvez écouter Below The Waste sur toutes les plateformes : Spotify, Apple Music, Deezer, Amazon Music, Youtube Music, Qobuz.

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